Dans un monde où la violence n'est plus ritualisée, et où elle fait l'objet d'un interdit puissant, la colère ou le ressentiment ne peuvent pas ou n'osent pas, en règle générale, s'assouvir sur l'objet qui les excite directement. Le coup de pied quelque part que l'employé n'a pas l'audace de donner à son patron, il le donnera à son chien en rentrant le soir à la maison, ou peut-être maltraitera-t-il sa femme et ses enfants, sans se rendre tout-à-fait compte qu'il fait d'eux ses « boucs émissaires ». (…) Nous crions « bouc émissaire ! » pour stigmatiser tous les phénomènes de discrimination politique, éthnique, religieuse, etc. Nous avons raison. Nous voyons sans peine désormais que les boucs émissaires pullulent partout où les groupes humains cherchent à se refermer sur une identité commune locale, nationale, idéologique, raciale, religieuse, etc.
René Girard
Je vois Satan tomber comme l'éclair, Ed. Grasset