Dans les papiers de son père, elle n'a trouvé aucun document, aucun journal intime, aucune lettre, pas même une photo dévoilant un quelconque secret. (…) L'après-midi touche à sa fin, le soleil descend vers les montagnes qui bordent l'horizon. (…) Elle aimerait tellement, en cette heure, croiser le regard de son père, avoir accès au beau mystère de son visage. Ce n'est que maintenant, alors qu'il s'est retiré à jamais de ce monde, qu'elle entrevoit ce qu'elle n'a pas su voir, du temps où il se tenait dans la clarté du visible - dans la fausse évidence du visible. Faut-il que tout soit consommé, consumé, d'un vivant, pour que de l'invisible où il s'en est allé, une lumière nouvelle, à la fois ténue et très pure, commence à sourdre, à s'épancher, bouleversant en secret le visible ? Ce n'est que maintenant qu'elle pressent combien est ample, inépuisable, le mystère d'un visage, d'une vie.
Sylvie Germain
Petites Scènes Capitales, Ed. Albin Michel